Après plusieurs jours d’intensification des hostilités, la Russie a tiré un missile balistique intercontinental (ICBM) pour la première fois depuis le début de son invasion à grande échelle en 2022, a affirmé l’Ukraine.
Selon les forces de défense aérienne ukrainiennes, le missile, qui n’était pas équipé d’une ogive nucléaire, a été lancé jeudi avec sept missiles de croisière Kh-101 en direction de la ville de Dnipro, dans le sud du pays.
Un haut responsable militaire ukrainien a indiqué au journal Financial Times qu’il s’agissait d’un RS-26 Rubezh, un missile ayant une portée allant jusqu’à 6 000 km, capable d’atteindre n’importe quelle capitale européenne. Certains analystes estiment qu’il pourrait s’agir de la première utilisation en combat réel d’un ICBM.
Cependant, d’autres experts, comme Pavel Podvig, spécialiste des forces nucléaires russes, ont précisé que le RS-26 se situe dans une zone grise entre un missile de portée intermédiaire et un ICBM, ajoutant que son utilisation reflète surtout une démonstration de force de Moscou. « Utiliser ces missiles dans un rôle conventionnel n’a pas beaucoup de sens en raison de leur faible précision et de leur coût élevé. Mais ce type de frappe peut avoir une valeur en tant que signal », a-t-il écrit sur la plateforme X (anciennement Twitter).
Contexte de la riposte russe
Ce tir intervient après que l’Ukraine a lancé des missiles longue portée américains (Atacms) et britanniques (Storm Shadows) sur le territoire russe. Ces frappes, qualifiées d’escalades majeures, ont conduit la Russie à modifier sa doctrine nucléaire, abaissant le seuil pour un éventuel premier usage.
Le secrétaire britannique à la Défense, John Healey, a mentionné jeudi des « rapports non confirmés » sur un nouveau missile balistique russe, supposément préparé depuis des mois.
Mercredi, en raison d’un renseignement américain sur une frappe aérienne russe « significative », l’ambassade des États-Unis à Kyiv a fermé ses portes, demandant à son personnel de rester à l’abri. Les ambassades d’Italie et de Grèce ont pris des mesures similaires.
Une démonstration de force
La Russie avait déjà utilisé des missiles capables de transporter des ogives nucléaires, comme les Iskander à courte portée et les Kinjal hypersoniques, mais jamais des ICBM. Le RS-26 Rubezh, basé sur le Topol-M, est une arme expérimentale considérée comme un hybride entre les missiles de portée intermédiaire et intercontinentale.
L’Ukraine a intercepté six des missiles russes, mais pas le RS-26, qui aurait été lancé depuis la région russe d’Astrakhan. Localement, deux personnes ont été blessées dans cette attaque, bien que les cibles précises et l’étendue des dégâts restent floues.
Une nouvelle phase dans le conflit ?
Selon Mykhailo Samus, expert militaire ukrainien, ce tir est une réponse directe à l’autorisation donnée par les États-Unis pour l’utilisation des missiles Atacms contre des cibles en Russie. Il estime que la Russie a dû informer Washington de son intention de lancer un ICBM, afin d’éviter une interprétation erronée par les systèmes de défense américains, ce qui aurait pu provoquer une crise majeure.
Cette escalade survient à deux mois de l’entrée en fonction de Donald Trump à la Maison-Blanche, qui a promis de mettre rapidement fin au conflit, sans en préciser les modalités.
Avec une intensification des frappes et des tensions croissantes entre grandes puissances, le conflit ukrainien semble entrer dans une phase de plus en plus imprévisible.